L'Éclat
Comme tous les mardis, elle affronte la laverie.
Éclat de soleil, le blanc de la vitre tue les couleurs. La porte souffre.
Comme tous les mardis, elle affronte la laverie. Et sa présence. À lui.
Elle, elle porte du noir. Pas pour prôner un idéal. Ni pour se donner un genre. Juste parce que c'est beaucoup moins long. Et elle n'a jamais vraiment su marier les teintes et les styles.
Lui, il porte du noir. Mais même dans le blanc le plus éclatant, il aurait toujours l'air aussi sombre. Ce n'est même pas un homme. C'est un puit. Et elle y plonge. Tous les mardis.
Cette fois encore, il ne la regarde pas. Il ne le fait jamais. Malgré tous les efforts qu'elle déploit. De moins en moins subtils, il va sans dire. Il se contente de griller clope après clope. Après clope. Magnifiquement hautain. Elle voudrait le faire craquer, juste une fois. Rompre le vernis parfait de son indifférence. Pour lui prouver qu'elle a raison.
Elle ouvre son livre en plein milieu. Peu importe l'histoire, elle la connait par coeur. Elle l'a choisit uniquement parce qu'elle a pensé qu'il lui plairait.
Dans le ronron des machines, une page tourne. Bruits de briquet. Elle épie ses moindres gestes. Acte la plus parfaite indifférence. Jure de mourir pour la plus petite attention. Pose son livre pour éviter de le lancer.
Mégot éteint. Le sèche-linge vomit son flot noir.
Mouvement brusque. Donné. Arraché. Béni.
Il a les yeux noirs.
Le blanc du soleil, éclat de la vitre qui tue ses couleurs. La porte souffre.
Elle meurt tous les mardis.